Retrouvailles... [PV Luna]

Dès que Charles avait apprit que sa sœur s’était installé à Londres, il avait commencé à la chercher. Ses parents adoptifs le soutenaient dans sa démarche et lui avait fournit toutes les informations dont ils disposaient, c'est-à-dire pas grand-chose. À part son nom, et une photo de ses parents, il n’avait rien d’autres. Cependant chaque personne qu’il rencontrait le soutenait également, son histoire prenant des allures de chasse au trésor pour certains, en émouvait d’autres, et finalement, Ce fut un vieil homme du quartier Nord qui indiqua précisément l’adresse de sa sœur à Charles. Il semblait prendre cela très à cœur comme si lui-même avait cherché un jour un membre de sa famille… . Le jeune homme hésita sur le chemin. Ils ne s’étaient jamais vu, il était même presque sur qu’il ignorait totalement son existence, alors devait-il vraiment aller la voir ? Comment prendrait-elle le fait d’apprendre après si longtemps qu’elle a un frère dont elle n’a jamais entendu parler ? Est-ce qu’elle le croira seulement ? À cette dernière question, les preuves étaient de son coté, si on regardait précisément son visage, on pouvait reconnaitre les traits familiers de leur mère, et étant jumeaux, Charles devina que Luna devait avoir les mêmes.

Il marcha dans les rues du quartier nord, plongé dans ses pensées, retraçant le chemin qu’il avait parcourut jusque là pour retrouver la trace de sa sœur. Il avait d’abord cherché dans le bottin, mais aucune Luna Lodwick n’y figurait. Après réflexion, cela lui parut normal : une jeune fille sans plus aucune famille aura préféré ne pas apparaitre dans ce genre de registre afin d’être à l’abri de gens malintentionnés ou autres. Les Blackheaven lui avaient ensuite conseillé de demander à l’hôtel de ville en expliquant son histoire. Mais cette fois encore, aucune Luna Lodwick dans les registres, la nouvelle arrivante n’était pas encore recensée. Alors il dut chercher de tous les côtés, frappant à pratiquement toutes les portes de Londres en racontant son histoire à eux qui voulaient bien l’entendre. La plupart du temps, des mines attristées lui répondaient qu’ils ne la connaissaient pas avant de lui souhaiter bonne chance, mais une fois arrivé dans le quartier nord, pas mal de gens avait croisé un nouveau visage. De plus, une si jeune fille habitant seule se remarque au milieu de tous les habitués qui vivent ici depuis des années voire des générations.

Finalement, on l’avait aiguillé vers le doyen du quartier, l’homme qui habitait ici depuis le plus longtemps, et par chance ou par le destin comme d’autres aurait dit, il l’avait croisé plusieurs fois et savait exactement ou elle habitait. La jeune fille toujours souriante lui avait fait une très bonne impression et dès que Charles lui dit que c’était sa sœur, et lui raconta tout ce qu’il s’était passé, les yeux du vieillard s’étaient illuminés et on aurait dit que le nouveau but ultime de sa vie était de réunir le frère et sa sœur. Il avait même proposé de l’accompagné mais Charles avait poliment refusé, préférant être en tête à tête avec elle après cette si longue séparation. Son guide n’avait pas insisté et s’était contenté ensuite de lui donné l’adresse avec un sourire bienveillant.

Plus qu’un tournant et Charles serait face à l’endroit ou sa sœur habitait, il était extrêmement nerveux et du serrer les dents plusieurs fois pour ne pas se transformer involontairement, vous imaginez ? Un énorme loup apparaissant tout-à-coup en plein milieu de la rue … ça n’aurait vraiment pas été à son avantage. Heureusement, le jeune homme avait l’habitude de devoir garder une grande maitrise de lui-même et l’exercice ne lui posa pas vraiment de mal. Alors qu’il entamait la dernière ligne droite, quelque chose lui vint à l’esprit : il n’avait pas de présent pour Luna. Enfin, bien sûr il ne s’agissait pas d’un rendez-vous galant ou se genre de chose mais pendant une seconde cela le gêna. En fin de compte c’était peut-être tout simplement pour se donner un peu plus de consistance qu’il aurait préféré avoir quelque chose dans les mains lorsque sa sœur lui ouvrirait la porte… si elle ouvrait.

Cette fois il était devant sa porte. Il n’était plus sûr de rien à part peut-être que ce n’était pas le moment de reculer. Il était arrivé jusqu’ici, avait lutté du mieux qu’il pouvait et même plus et ses effort avaient été récompensé, après 17 ans d’absence il allait enfin rencontrer sa sœur, la seule famille « de sang » qu’il lui restait. Une partie de lui, un morceau de son cœur qui lui avait été caché depuis trop longtemps. Il vérifia une dernière fois qu’il avait dans la poche sa carte d’identité et la photo de leurs parents. Il regretta quelques instants que les Blackheaven ne l’ai pas accompagné, mais c’était lui qui avait refusé leur offre, pour la même raison qu’il avait refusé celle du guide. S’ils lui manquaient à cette instant précis c’est parce qu’il aurait bien eut besoin que quelqu’un lui donne un peu de courage… . Il resta une dizaine de seconde devant la porte, sans oser frapper, puis il prit une profonde inspiration et se lança… .

Alors, malgré le réel écoulement du temps, tout lui sembla aller extrêmement vite. Il entendit d’abord des bruits de pas derrière la porte, puis le son de verrous qu’on retire. Enfin, la première chose qui l’atteignit une fois la porte à peine ouverte fut l’odeur de la maison. Il était facile de cacher certaine chose, mais depuis qu’il était devenu loup, son odorat avait été son meilleur allié, et s’il n’avait pas su qu’il avait été adopté avant de muter, il l’aurait su dès qu’il serait rentré chez lui. À force de passer son temps en compagnie des Blackheaven, leur odeur s’accrochait quelque peu à lui, mais la sienne était différente. Et lorsque la porte s’ouvrit sur le studio de sa sœur, se fut son odeur à lui, mêlée bien sur à un parfum classique qu’on met pour sentir bon, mais celui-ci ne pouvait pas lui cacher cette odeur familière en arrière plan. Il était chez sa sœur, il le sut avant même de l’apercevoir.

Lorsqu’il la vit, le choc fut encore plus grand. Il savait qu’il ressemblait à leur mère et s’était attendu à remarquer les mêmes traits chez Luna, mais lorsqu’elle apparut, il eut l’impression de voir la femme qui posait avec son mari sur la photo qu’il tenait dans sa main, en plus jeune. Elle était magnifique. Il resta hébété quelques instant, à peine conscient que la porte était ouverte, qu’il se tenait dehors et qu’il était un parfait inconnu pour la jeune fille, puis il tenta de se reprendre. Il sourit doucement et s’adressa à elle le plus calmement qu’il put, bien que le stress l’empêcha quelque peu de parler correctement :

-Bonjour je… enfin… Bon. Vous n’allez peut-être pas me croire, peut-être que cette histoire va vous paraitre ridicule, mais je vous assure que si vous me laissez vous expliquer et prouver ce que j’avance vous verrez que c’est la stricte vérité.

Il s’arrêta quelques instant, le visage troublé de la jeune fille lui apparaissait, et lorsqu’il croisa son regard il cru voir ses propres yeux. Il était étrange pour lui après tout ce temps de rencontrer quelqu’un qui lui ressemblait autant. C’était normal bien sûr, mais le miroir qui lui faisait face devait également se poser des tas de questions : qui était-il ? Pourquoi une si longue préparation ? Pourquoi lui ressemblait-il autant lui aussi ? Autant de questions auxquelles Charles pourrait répondre si elle voulait bien le laisser entrer. Très vite il essaya de penser à quoi dire, puis finalement décida d’être le plus direct possible, il s’expliquerait après. Et puis au bout de compte, le physique des deux jeune gens jouait en sa faveur, deux gouttes d’eux s’il y avait pu y’en avoir des males et des femelles, auraient eut plus de différence. Il plongea donc ses yeux dans ceux de sa sœur, espérant qu’elle puisse y lire toute la sincérité et la vérité dont ils étaient remplis.

-Je m’appelle Charles, Charles Lodwick. Je suis votre frère.

Ce mercredi matin était passé à une vitesse folle. Je n'avais eu qu'un cours de dessin, qui avait duré les quatre heures. Comme je l'avais prévu, j'étais allée à l'école en métro, le bus étant trop lent, et j'avais pu dormir une demi-heure de plus, ce qui ne m'avait pas vraiment fait de tord. J'étais en effet le genre de filles qui ne pouvait pas s'endormir avant minuit. Je ne dormais donc pas beaucoup chaque nuit. Mais je faisais avec. De toutes façons, je n'avais pas le choix. Je m'étais donc levée de bonne humeur ce matin-là. J'aimais bien aller à ce lycée. Les gens ne me regardaient pas trop bizarrement, Londres était tellement différent d'Holy Island !

J'avais donc passé une bonne matinée. Le prof de dessin m'avait complimenté sur ma création. Un truc que j'avais fait en écoutant 'Nemo'. J'avais beaucoup pensé à Tuomas, l'homme que j'avais rencontré samedi. J'avais décidément hâte de le revoir. Je lui avais donné mon numéro de portable, et il savait où je vivais. Peut-être allait-il me rendre visite, cet après-midi ? Mais non, cela m'aurait étonné: il devait surement avoir un travail, ou être aux études supérieures. Enfin, les petits cadeaux de la vie, ça existait, non ? D'ailleurs, le fait que je l'aie rencontré était déjà un énorme cadeau.

Je rentrai chez moi, après cette belle matinée. Il faisait gris et froid à Londres. Heureusement, avec ma veste, j'avais bien chaud. Je m'étais acheté un paquet de cigarettes et avait commencé à en fumer une. Sacré bon coupe faim. Je n'allai rien manger à midi. J'entrai donc dans l'immeuble où j'habitais, puis dans mon studio, trop grand pour moi. Puis, je mis un des meilleurs CD de Nightwish: Once. J'écoutai les chansons tout en dessinant dans mon carnet. J'aimais ces moments de sérénité. C'était agréable, reposant.

Puis, j'entendis quelqu'un frapper à ma porte. Je n'attendais pourtant aucune visite. Je me levai d'un bon de mon divan et mis mon lecteur CD sur 'pause'. Une lueur d'espoir éclaircit mon visage: Peut-être était-ce Tuomas qui venait me rendre visite ?! Je me dirigeai à pas vifs vers la porte d'entrée, la déverrouilla et ouvris.

Mais ce n'était pas Tuomas qui se tenait devant moi. C'était un homme, très grand lui aussi, mais pas mon nouvel ami. Ma joie se transforma en étonnement. Que me voulait-il ? Si c'était un témoin de Jéhovah, il pouvait se le foutre là où je le pensais. Néanmoins, mon intuition m'informa que ce n'était pas un membre d'une secte. Il avait l'air hébété. Un stalker ? Non, surement pas... Je vis que ses traits m'étaient légèrement familiers... Comme si je l'avais déjà vu quelque part. Mais non, un visage pareil, avec une moustache pareille, cela ne s'oublie pas. Ouais, cet homme était un parfait inconnu pour moi.

Il prit la parole en premier, me disant qu'il avait une histoire à me raconter. Une histoire qui me semblerait peut-être ridicule. Finalement mon idée de secte n'était peut-être pas aussi stupide qu'elle le semblait...

" Heu oui... Bonjour. Hé bien je vous écoute heu... Monsieur. "

Que dire de plus ? Peut-être voulait-il que je l'invite à rentrer ? Et puis quoi encore ?! Un parfait inconnu, chez moi ? Qui sait ce qu'il aurait pu me faire ! Me violer, m'égorger et puis me laisser pourrir là !? Et Tuomas serait venu, n'ayant plus de nouvelles de moi et m'aurait retrouvé totalement décomposée dans une vieille marre de sang ?! Ha non, je ne voulais pas ! Bref, j'attendis qu'il me dise ce qu'il avait à me dire. A dire vrai, je ne comprenais pas trop... Je le regardais, soucieuse, étonnée...

Pendant plusieurs secondes, il resta silencieux. Pourquoi ? Il avait une mauvaise nouvelle à m'annoncer ? Je n'avais plus de famille, donc personne de mon entourage était mort. Tuomas ? Non, certainement pas ! Il était trop spécial pour mourir comme ça. Puis, l'inconnu plongea ses yeux bleus dans les miens, qui étaient toujours aussi noirs que l'ébène. Il avait les yeux de mon père. Les mêmes yeux... Bleus.

Et il m'avoua ce qu'il avait à me dire.

Je lâchai la poignée de la porte et mon bras retomba le long de mon corps. Que dire ? Que faire ? Lui rire au visage ? C'était pas possible. Il avait beau avoir le même nom de famille que moi, il ne pouvait pas être mon frère. Mon père ne m'aurait jamais caché une chose pareille !! Ce n'était pas possible ! Ce n'était qu'une mauvaise blague !

Mais alors, pourquoi étais-je figée sur place ? Peut-être parce que si ce visage m'était familier, c'était parce qu'il ressemblait à celui de mon père, et un peu au mien aussi. Non... Ce n'étaient que de viles mensonges. Ces paroles n'étaient pas vraies... C'était pas possible... C'était pas possible...

C'était impossible.

Charles observa le visage de sa sœur. Sa révélation semblait lui avoir fait l’effet d’une bombe atomique, comme si elle refusait d’y croire. En même temps c’était compréhensible, elle n’avait pas vécu dans une famille d’adoption. Avant sa mort elle vivait avec leur père, heureuse, ne se souciant de rien, donc évidemment, il lui était plus facile de rejeter la nouvelle que de l’accepter à bras ouverts. Le jeune homme se souvint de la réaction qu’il avait eu… cette fugue dans la forêt lui avait valu sa nouvelle nature de loup, il n’avait pas trop à critiquer la réaction de Luna. Cependant, lui avait eut plusieurs années pour se faire à l’idée et il avait espéré malgré tout que l’idée d’avoir un frère, d’avoir de la famille encore vivante lui ferait plaisir. En tout cas, elle n’avait pas l’air décidée à le laisser entrer, du moins pas pour le moment, il faudrait qu’il fasse ses preuves avant.

Charles se sentait mal à l’aise dans son manteau, il avait trop chaud, beaucoup trop chaud. Il n’avait pas l’habitude d’en porter et était connu comme le type le moins frileux de tout le lycée. Evidemment, personne n’aurait soupçonné qu’en réalité s’il n’en portait pas c’est parce qu’il n’en avait pas besoin, ayant une température supérieure à la moyenne, encore moins que tout cela venait du fait qu’il était un loup-garou. Il avait pensé que cela aurait aidé de paraitre aussi normal que possible pour cette première rencontre. Evidemment, Charles s’était aussi dit que s’il devait avouer son secret à une seule et unique personne, ça serait ça sœur mais mieux valait ne pas brusquer les choses. Il serra un peu plus fort la photo de leurs parents qu’il tenait dans la main et la lui tendit :

-Je suis désolé de venir comme ça, t’annoncer que tu as un frère, qu’en plus nous sommes les deux derniers représentants vivants de notre famille… Je comprends ce que ça te fait. Je comprends aussi qu’à tes yeux là tout de suite je ne suis qu’un étranger, aussi, si tu veux je vais t’expliquer absolument toute l’histoire ici sur le pas de ta porte. Ensuite si tu veux bien, nous en discuteront à l’intérieur, mais tu seras libre de choisir… .

Bien sûr Charles aurait préféré entrer avant, mais il ne comprenait que trop bien la situation dans laquelle Luna se trouvait et ne voulait surtout pas la brusquer. Elle était sa seule réelle famille et il l’était aussi pour elle, il n’aurait voulu la perdre pour rien au monde, rien que l’idée lui donnait des vertiges. Il rassembla ses idées, essayant de les mettre en ordre afin d’énoncer toute l’histoire le plus clairement possible. Il l’avait déjà fait de nombreuses fois au cours de ses recherche pour retrouver sa sœur, mais cette foi-ci il fallait absolument que tout soit parfait, il n’avait pas le droit à l’erreur. Il décida, comme toute bonne histoire, de commencer par le tout début. Les Blackheaven lui avait raconté les raisons de son adoption, ce qui l’avait attristé, à son tour il s’était senti responsable de la mort de sa mère, même si avec le temps ce sentiment l’avait quitté, après y avoir longtemps réfléchit.

-Donc voila : nous sommes jumeaux Luna, enfin, de « faux jumeaux » étant donné que tu es une fille. Tu es née la première, ça a été très dur pour notre mère de te mettre au monde, et lorsque mon tour est arrivé, elle n’a pas survécu. Notre père a du t’expliquer qu’elle était morte après ta naissance. En réalité, il m’a tenu responsable de sa mort, et tout bébé m’a fait adopter. J’ai donc été recueillit par un jeune couple, les Blackheaven, des gens merveilleux, j’aimerai te les faire rencontrer un jour si tu veux bien. Ils ont été mes parents toutes ces années. À 14 ans, ils m’ont avoués que j’étais adopté et m’ont raconté toute l’histoire… . J’ai fugué cette nuit là, sous le choc, c’est pour ça que je peux comprendre l’état dans lequel tu te trouves en ce moment. Mais lorsque j’ai vu la photo de nos parents, j’ai su que c’était la pure vérité. J’ai toujours eu envie de te retrouver, mais étant jeune je n’avais ni les moyen ni la véritable consistance de venir vous voir… . Je m’en excuse.

-J’avais aussi beaucoup peur de la réaction qu’aurait pu avoir notre père en me voyant, je ne sais pas s’il m’a gardé rancune du jour où notre mère est morte. Quand il a eut son accident j’ai eu très peur pour toi, et autre chose s’est « réveillé » en moi aussi. J’ai voulu récupérer le nom de notre famille pour qu’il puisse encore se transmettre, et plus que tout je voulais te retrouver, te dire que tu n’étais pas seule, que j’étais la pour toi, comme je l’avais été dans l’ombre depuis toutes ces années. J’ai appris que tu t’étais installée à Londres et donc cela a facilité mes recherches, même si ça n’a pas été aussi facile que ça. Aujourd’hui je suis devant ta porte, je t’ai enfin retrouvée et je te supplie de me croire. Regarde la photo, regarde moi, regarde nous. On ne peut pas se tromper. Je suis vraiment ton frère Luna, crois-moi.

Charles marqua une pause, laissant les temps à sa sœur de prendre en compte tout ce qu’il avait dit. Il avait de l’espoir plein les yeux, l’espoir de vraiment retrouver sa sœur, qu’elle l’accepte en tant que tel. Ils avaient temps de choses à se dire. Ne serait-ce que leur père, il ne l’avait jamais connus, il aurait aimé que Luna lui dise quel genre d’homme il était, ce qu’il faisait dans la vie et tout le reste. Si leur vie avait été heureuse, les grands moments. Il espérait aussi pouvoir contribuer à son tour à rendre sa sœur heureuse, celle qu’il avait voulu retrouver depuis si longtemps… .

Non. C'était pas possible ! Cette unique phrase défilait en boucle dans ma tête. Je n'en croyais pas mes oreilles. Il paraissait légèrement gêné de m'avouer tout cela aussi brusquement. Il y avait bien de quoi ! Il venait comme une fleur et me disait qu'il était mon frère jumeau. Décidément, cela dépassait l'inimaginable !

Il entama son récit, m'expliquant son histoire. Notre histoire. Je ne reconnaissais pas mon père dans ses dires. Mon père était le genre d'homme bon, qui aimait aider les personnes. Si ce qu'il avait dit était vrai, mon père nous aurait élevé tout les deux. Il nous aurait baigné d'amour, nous aurait chouchouté... Hors, d'après lui, il l'avait fait adopter. Ce n'était pas possible. Ok, qu'il soit arrivé en dernier et qu'il aie tué notre mère aurait pu être probable. Mais pas que mon père l'aie abandonné. Papa aimait sa femme plus que tout au monde, mais pas au point de remettre la faute de sa mort sur un de ses enfants. Justement, j'étais ce qu'il lui restait de sa femme, de maman. La dernière chose, le dernier cadeau. Alors, si j'avais vraiment eu un frère jumeau, il l'aurait gardé ! J'en étais certaine ! Ce type devant moi me mentait.

Et pourtant. Ses traits qui étaient un mélange parfait entre ceux de mes parents... Ma tête tourna. J'aurais peut-être dû manger quelque chose aujourd'hui. Je sentais mon ventre se remplir de guêpes. J'avais mal. Pas vraiment à l'estomac. J'avais mal au cœur. Un mal de fou. Lentement, je me retournai et rentrai à l'intérieur, laissant la porte ouverte. Je me fichais de savoir si ce Charly entrerait ou pas. A vrai dire, c'était maintenant le cadet de mes soucis.
Je m'assis sur mon divan, face à ma table de salon. D'une main tremblante, je pris mon paquet de cigarette et en allumai une. J'allais surement devoir aller en rechercher un d'ici peu, car j'allais fumer comme un pompier. Tant pis pour ma santé. Je n'en avais plus rien à foutre.

Je me sentais trahie, abandonnée, plus seule que jamais. Dire que Tuomas m'avait redonné un peu de joie, voila que lui venait et me déballait qu'il était mon frère, que mon père m'avait mentit pendant dix-sept ans ? C'était ça, le pire. Savoir que mon père m'avait mentit. Pendant toutes ces années, il avait fait comme si de rien était. Mon seul confident ne m'avait pas avoué qu'il avait un deuxième enfant. Mon seul confident...

Les larmes coulèrent sur mes joues plus pâles que d'habitude. Des larmes de tristesse ? De rage ? Surement un peu les deux à la fois. De quoi avais-je envie, en ce moment ? De hurler ? De mourir ? De pleurer encore ? De courir ? De casser des tas d'objets ? De... Voir Tuomas ?

Je ne savais pas. J'avais envie d'une tas de choses, et en même temps de rien. Les gouttes salées tombèrent sur ma jupe noire. Pff ! Je n'en avais rien à foutre. Je pris mon cendrier et fis tomber les quelques cendres de ma cigarette dedans, puis retirai un nouveau coup dessus. La fumée sortant de ma bouche m'apaisait, mais pas totalement.

J'étais restée silencieuse face à cette nouvelle. Je ne savais pas quoi lui dire. Que lui dire d'ailleurs ? 'Hooo, c'est super, j'ai toujours rêvé d'avoir un frère caché !'

C'est ça, et mon postérieur était du poulet sans doute.

Luna était partie, rentrée chez elle, avait fuit. Charles avait pensé à ce genre de réaction, après tout, il se doutait bien que si ses parents adoptifs lui avait caché qu’il n’était pas vraiment leur fils, que leur vrai père cache toute sa vie à Luna qu’elle avait un frère pouvait engendrer un choc encore plus terrible. Il resta quelque instant sur le pas de la porte, réfléchissant à tout ça. Puis finalement, son instinct lui commanda d’entrer, après tout elle avait laissé la porte ouverte. Il fit un pas dans la demeure de sa sœur et ferma sans bruit la porte derrière lui. Il s’avança jusqu'à l’apercevoir assise sur son divan. À tout point de vue elle paraissait choquée, son regard était terrifié, elle tremblait et le paquet de cigarette en face d’elle indiquait le pire pour ce qui allait concerner sa santé dans les prochaines heures. Il s’assit en tailleur en face d’elle, posant son manteau sur ses genoux. Il la regarda, sans même être sûr qu’elle le voyait. Au début il ne sut pas trop quoi dire :

-Tu sais, je ne pense pas que la cigarette soit la bonne réponse là tout de suite … .

Puis il se reprit, à peine sûr qu’elle l’avait entendu. De toute façon ça n’était pas vraiment ce qu’il voulait dire, il cherchait juste à être gentil… à prendre soin d’elle pour la première fois dans sa vie. Car que le choc soit fort ou non, qu’elle le croit ou non, qu’elle l’accepte ou non, elle était de toute façon ça sœur, personne n’avait le pouvoir de changer cela. Il aurait voulu pouvoir être près d’elle, la prendre dans ses bras pour lu dire que tout se passerai bien qu’elle n’avait pas à s’en faire, qu’elle devait prendre ça comme une bonne nouvelle, ne pas penser au rôle de leur père dans tout ça, qu’il avait surement ses raisons, qu’il ne fallait pas le blâmer, qu’à présent ils étaient à nouveau réunis, que plus jamais il ne seraient séparés. Seulement c’était impossible, il ne voulait surtout pas la brusquer et avait peur qu’une telle proximité immédiate ne la choc encore plus. Aussi se contenta-t-il de lui parler doucement. Maintenant il était sûr qu’elle l’entendrait, qu’elle le montre ou non.

-Tu sais… je comprends exactement ce que tu ressens là tout de suite. Nos deux situations sont malgré tout très différentes. De mon coté j’ai été adopté, lorsque j’ai su que les Blackheaven n’était pas mes vrais parents j’ai eu un gros choc, mais la nouvelle m’apportait aussi une sœur, un membre de ma vraie famille. Ils ne m’ont jamais menti aussi, et ont toujours été derrière moi. J’ai beaucoup réfléchit à toutes les manières dont tu pourrais envisager ça toi, et étant jumeaux, je pense que j’ai pu trouver tout ce à quoi tu pourrais penser. De ton coté tu as eu aussi une vie heureuse. Mais lorsque notre père est mort, tu as été toute seule, tu as déjà eu un gros choc, tu a du avoir de très durs moments.

- Et aujourd’hui alors que tu t’étais habituée à tout ça et vivait avec le souvenir d’un père merveilleux, j’arrive et je t’annonce que je suis ton frère, qu’il m’a abandonné dès la naissance, qu’il t’a caché volontairement mon existence. Je comprends que ça puisse briser l’image que tu ais de lui… . Mais, pense un peu à tout ça, est-ce qu’l faut le blâmer pour ce qu’il à fait ? Je veux dire, oui il n’a pas voulut me garder avec vous, mais vu sa raison, la douleur était peut-être trop forte pour lui. Avoir perdu notre mère a du le bouleverser bien plus que nous qui ne l’avons pas connu. Et puis il aurait pu me garder rancune, avait peut-être peur de ne pas me traiter avec le même amour que toi à cause de cela. Alors il a préféré me confier à des gens en qui il avait confiance, dont il savait qu’ils me donneraient tout l’amour dont j’avais besoin pour vivre.

-Et oui, il t’a caché mon existence, mais ce n’est pas plus mal aux vues de tout ça. Il n’aurait pas pu me revoir, il appelait régulièrement les Blackheaven pour avoir de mes nouvelles, mais jamais il n’a voulu me parler, même quand j’ai su. Pour moi c’était un homme qui souffrait énormément de la perte de sa femme. Mais je sais que malgré tout il m’aimait, sinon il n’aurait pas pris la peine de s’assurer si souvent que j’aille bien. Il a préféré te cacher le fait que tu ais un frère pour ne pas te donner envie de me voir, pour ne pas s’infliger ça a lui-même et surtout pour t’éviter la tristesse de savoir que c’était impossible de se rencontrer. Il devait se douter qu’un jour j’aurai essayer de vous retrouver et se préparait à ce jour où je serais venu de moi-même. Je ne lui en veux en rien pour tout ce qu’il a fait, j’ai eu également une vie heureuse.

-Aujourd’hui si je suis venu te voir c’est parce que je voulais t’annoncer tout ça, en rien briser l’image que tu as de notre père, a voir ta réaction ça devait être un homme merveilleux, et j’aimerai beaucoup que tu m’en parle aussi. Je suis venu parce que je suis ton frère, peu importe le choc que cela peut nous faire, ou qu’on l’accepte ou non, nous sommes frère et sœur, et nous ne sommes plus que tous les deux dans la famille maintenant. C’est pour ça que je suis là. Parce qu’a partir de maintenant, je ne me cacherai plus de toi, je veux être la pour toi, à partir de maintenant et tout au long de ma vie. Je veux te connaitre, que tu me connaisses. Je ne demande pas qu’on rattrape tout ce qu’on a perdu durant toutes ces années ou nous ignorions chacun l’existence de l’autre. Je voudrais juste que tu m’accepte tel que je suis, pour ce que je suis. Je suis ton frère, et ça rien ni personne ne pourra le changer quoi qu’il arrive.

Charles regarda Luna avec un mélange de tendresse et d’espoir. Espoir que tout ce qu’il lui ait dit l’apaise un peu, la soulage, l’aide à passer le cap du choc. Elle devait le voir comme son frère retrouvé, et non pas comme un inconnu sortant de nulle part pour lui gâcher sa vie. Jamais il n’aurait fait une chose pareil, il était trop heureux de pouvoir enfin être près d’elle.

Charles entra. Évidemment ! Il n'allait pas rester là, comme un imbécile dans l'encadrement de la porte. Du coin de l'œil, je le vis s'asseoir près de la table du salon. Il ne savait pas trop quoi dire. A dire vrai, moi non plus. Je me sentais vide. Vide, trahie. Mon frère -j'avais un mal fou à m'avouer la vérité- me murmura que la cigarette n'était pas la meilleure solution à mon problème. De quoi se mêlait-il ? Franchement ! Je fumais depuis maintenant six mois, et je n'étais pas prête à arrêter. Loin de là, je ne voulais pas arrêter. Mais c'était certain que fumer n'était pas une solution. Ca m'aidait juste à me relaxer. Même si à ce point, je n'aurais pas pu me calmer avec une seule cigarette. En fait, tout mon paquet allait y passer.

" Mêle-toi de tes affaires, veux-tu. Et le fait que je fume, ce n'est justement pas tes affaires. "

J'avais dit cela encore plus sèchement que je le voulais, à la base. Tant pis pour lui. Il n'avait qu'à pas me dire ce qui était bon ou non pour moi.
Il continua à me parler. Cette fois, il disait qu'il me comprenait. Bah tiens ! Ouais, il était content d'avoir une sœur... Personnellement, j'aurais été très contente d'apprendre que j'avais un frère -qui plus est jumeau- si ça avait été mon père qui me l'avait dit. Mais là... J'aurais préféré ne rien savoir. J'aurais préféré ne jamais être au courant, et mourir en ne sachant rien de tout cela.

Ha ! Il ne fallait pas blâmer notre père de m'avoir caché son existence ?! Mais bien sûr ! Et il était désolé d'avoir bousillé l'image que j'avais de notre paternel ? Il pouvait bien ! Maintenant, je connaissais mon vrai père. Je savais comment il était. Diverses morceaux de ma mémoire me revinrent en tête. Je séchai une larme qui coulait, écrasai ma cigarette, arrivée au mégot et en repris une nouvelle, que j'allumai bien vite.

Je ricanai quand il me dit que vu ma réaction, notre père devait être un homme merveilleux. C'était faux. Je lui dis enfin le fond de ma pensée, d'une voix énervée. Très énervée...

" Vois-tu, notre père était loin d'être quelqu'un de merveilleux. Tu sais pourquoi il ne m'a jamais avoué que j'avais un frère ? C'était juste pour me garder avec lui. Je ne compte pas nombre de fois où il m'a demandé de rester avec lui pour toujours. Et moi, comme une imbécile, je lui répondais toujours positivement. Si j'avais pu, je serais restée avec lui pour toujours, ne me mariant pas... Je me serais occupée de lui jusqu'à son dernier souffle de vie. Et tu sais pourquoi ? Parce que je ressemble beaucoup trop à maman. Il la voyait à travers moi. Parait qu'on avait le même caractère en plus. J'ai été stupide. Mon père était un grand égoïste. "

Je fus secouée de sanglots, rien qu'à l'idée de ce que j'allais dire. C'était une phrase horrible, mais il fallait bien qu'elle sorte.

" Finalement, c'est peut-être pas plus mal qu'il soit mort maintenant. Si il était décédé de sa belle mort, à quatre-vingts ans, je serais restée vieille fille, je n'aurais rien connu, ni personne d'autre... Et... Et je serais restée seule jusqu'à la fin de mes jours, attendant que la mort vienne me prendre. Maintenant au moins, je... Je peux vivre comme je veux. Je n'ai plus d'entrave. "

J'avais encore quelque chose à dire...

" Pour ce qui est du fait qu'il prenait de tes nouvelles, c'était juste pour avoir bonne conscience. Je le connais, il est bien le genre. Ha ! Aussi surement pour qu'il sache si tu était parti à ma recherche. En tout cas, si il avait eu une tombe, je crois qu'il serait en train de se retourner dedans. L'image que sa gentille petite fille avait de lui a sérieusement changé en... Dix minutes à peine. Je devrais m'inscrire au Livre des Records du Monde. "

Ah... Je faisais dans l'humour noir... C'était signe que j'étais bien loin dans la déprime et la colère.
Je regardai mon 'frère' dans les yeux. Ils étaient remplis de tendresse. Quant aux miens... Plus haineux que ça, je crois que j'en serais morte.

Charles se contenait. Oui, Luna avait reçu un choc, mais tout ce qu’elle lui disait n’était que dédain et colère. Peu importe ce qui avait pu la pousser à dire ce genre de chose, le jeune homme avait du mal à le supporter. Néanmoins il l’écoutait, les larmes ne mentaient pas. Du moins au début. Elle en disait trop, beaucoup trop. Finalement elle ne voulait peut-être tout simplement pas de lui, peut-être qu’il aura mieux fait de ne jamais frapper à sa porte. Après tout au fond il n’en avait pas grand-chose à faire de son père, surtout maintenant qu’il avait entendu tout ça, seule sa sœur lui importait. Mais de toute évidence elle n’était pas prête à l’accepter en tant que frère. Le désespoir l’envahit d’un coup, il se sentit seul, horriblement seul, avec sa sœur qui lui crachait à la figure, ce père qui n’était pas ce qu’il avait imaginé, il en oubliait même les Blackheaven. Il n’était plus que colère lui aussi et désespoir.

Il sentit son bras commencer à trembler et l’arrêta aussi vite et discrètement que possible avec son autre main. Il ne manquait plus que ça, ses émotions étaient tellement fortes qu’il manquait de se transformer juste sous les yeux de sa sœur. Enfin, s’il pouvait espérer l’appeler réellement comme ça un jour… . Une fois de plus, une vague de tristesse et de rancœur l’envahit et ses tremblements reprirent. AU fur et à mesure que le discours de la jeune fille s’étalait en longueur il avait de plus en plus de mal à retrouver son calme. Il fallait qu’il se sorte de là, et vite. Lorsqu’elle le regarda enfin, ce fut la goutte d’eau de trop, son corps entier fut secoué d’un tremblement et il se leva, un peu plus brusquement qu’il l’aurait voulu pour essayer de couvrir l’incident. Il partit précipitamment vers la sortie, oubliant son manteau par terre.

-Je… je suis désolé, je vois que ça ne va pas, si tu me cherche je serai dehors, je vais prendre l’air un peu, je resterai devant ta porte autant de temps qu’il le faudra alors prends ton temps pour réfléchir à tout ça, je ne pars pas.

À peine sa phrase terminée, il refermait la porte derrière lui, néanmoins il avait parlé assez fort pour être sur qu’elle l’entende. Charles espérait que sa « réaction » ne s’était pas trop remarquée, il mettrait de toute façon Luna au courant de son état, mais il aurait préféré que ce soit lui et non une subite transformation juste sous ses yeux, surtout à un moment pareil, qui l’en informe. Il s’assit sur les marches devant la porte de Luna et tenta de reprendre son calme. Il respira profondément, imaginant dans sa tête la forêt, ses bruits rassurant, le vent qui viendrait le rafraichir doucement… .

Il se calma assez rapidement, il avait l’habitude de ce genre de chose. Maintenant il devait attendre que Luna vienne le chercher. Il ne savait pas quand elle viendrait, ni même si elle allait le faire, mais il attendrait le temps qu’il faudrait, des minutes, des heures, voire même des jours. Seul l’importait le fait qu’elle l’accepte, peut importe leur passé à tous les deux ou celui de leur père.

Je le regardais toujours aussi froidement. Même moi, cela m'étonnait d'être dans un état pareil. Généralement, j'étais une jeune fille gentille et douce qui ne voulait que le bonheur d'autrui. Et là... J'étais tout le contraire. Soudain, je remarquai que le bras de mon frère tremblait. Il essaya que cela passe inaperçu. Mais rien à faire, je l'avais bien vu. Il était pourtant discret. Peut-être que mes paroles l'avaient blessé. Je me mordis légèrement la lèvre inférieure, tout en continuant à le fixer. Puis, il s'excusa et partit. Il me dit qu'il attendrait dehors. Soit. Il allait devoir attendre longtemps. Ou pas.

Je restai là, assise sur mon canapé, fumant presque clope sur clope. Je repensais à tout ce qu'il m'avait dit. Maintenant, je le savais: mon père avait été égoïste, et cela n'allait pas changer dans mon esprit. Néanmoins, je repensais à mes paroles qui m'avaient elles-mêmes blessées. Je n'étais pas contente que mon père soit mort. Au contraire, plus j'y repensais, plus je voulais savoir la vérité: Pourquoi il ne m'avait jamais dit que j'avais un frère ? Il savait pourtant -vu le nombre de fois où je lui avais dit- que je crevais d'envie d'en avoir un. Un grand frère, pour me soutenir, me confier... Hélas ! J'étais l'aînée dans cette histoire. Même si mon père était un très bon confident, il était le seul. Hors, en avoir deux n'aurait pas été plus mal. J'aurais eu deux avis différents...

Je soupirai une énième fois. Pris mon paquet de cigarettes et vis avec effroi qu'il était vide. J'avais fumé à peu près dix clopes en à peine deux heures. Mes pensées arrivèrent ensuite vers mon frère. Peut-être attendait-il toujours derrière la porte d'entrée ? Je jetai un coup d'œil vers sa direction et vis une ombre derrière. Oui. Il attendait toujours. Je m'en voulais sérieusement maintenant. Il attendait gentiment que je vienne lui ouvrir. Il était sincère quand il disait qu'il voulait rester avec moi, qu'on apprenne à se connaitre. Cela me touchait beaucoup. J'allai dans la salle de bain, pris un mouchoir, séchai mes larmes et me mouchai un bon coup. Je jetai le morceau de papier dans la poubelle et me dirigeai vers la porte d'entrée. Une fois là, je ne sus quoi faire. Devais-je lui ouvrir ?

Non. Pas encore. Je m'assis et m'adossai contre la porte. J'étais sûre qu'il pouvait m'entendre.

" Tu sais... Papa était quelqu'un de bien. Il était toujours gentil et attentionné avec moi. Il était un grand gamin. C'est lui qui m'a fait connaitre le métal. C'est mon style de musique préféré, avec le rock. On allait souvent à des concerts, tout les deux. D'ailleurs, nous devions aller à celui de Nightwish, le onze. Mais il est mort. Du coup, on a pas pu y aller. "

Je gardai le silence quelques secondes, puis repris

" Dans le genre, il prenait trois rôle à la fois. Celui de père, de mère, et de frère-confident. Mais bon, il faisait souvent plus office de frère qu'autre chose. Il nous a eu très tôt, tu sais. Il n'avait que vingt ans. Du coup... Bah, il est resté jeune. C'est même lui qui m'a appris à fumer. Tu te rends compte ?! Au lieu de me dire de jamais commencer, c'est lui qui m'a foutu ma première clope au bec. J'crois que c'était pour si jamais il n'en avait plus tu vois... Il aurait toujours les miennes à disposition. "

Nouveau blanc. Il fallait que je me lance dans la partie la plus délicate...

" Je suis désolée, Charles. Je sais que tu ne voulais pas me faire du mal, en venant chez moi. Mais... Je pense malheureusement vraiment ce que j'ai dit. Papa était un égoïste. Mais... Je ne suis pas heureuse qu'il soit mort. Au contraire... Je suis... Tellement triste. Je te dis pas, quand son travail m'a appelé pour me dire qu'il s'était fait écraser par un conteneur... Le choc. J'ai même pas pu voir le corps. Dans un sens, je crois que c'était pas plus mal. Il devait juste ressembler à un tas de gelée. On l'a incinéré et j'ai vidé le peu de cendres qu'il y avait dans la mer. Il aimait beaucoup la mer de Holy Island. C'est vrai qu'elle est magique. "

Un nouveau blanc se arriva. Un peu plus long cette fois.

" Je ne sais même pas pourquoi je te parle de tout cela. Désolée de t'embêter avec mes stupides histoires. "

La porte était toujours simplement fermée. Je ne l'avais pas verrouillée à clef, quand il était parti. J'espérai intérieurement qu'il l'ouvre. J'avais envie de voir mon frère. Oui. J'avais envie de voir mon jumeau, mon deuxième moi.

Charles était resté un moment dehors à réfléchir. Il s’était presque habitué à l’idée que Luna puisse ne pas vouloir de lui, qu’il devrait la laisser là, vivre sa vie sans lui. Cela lui déchirait le cœur rien que de l’imaginer. Devoir laisser sa seule famille, dont il avait été séparé si longtemps. En réalité, jamais il n’aurait pu s’y résoudre, même après tout ce qu’elle avait dit sur leur père. Après tout, elle le connaissait mieux que lui, elle avait vécu avec lui et il ne pouvait pas se vanter d’en avoir fait autant. Mais alors, tout ce qu’il s’était imaginé sur la bienveillance de son père n’aurait été qu’illusion ? Là encore, il ne pouvait s’y résoudre, pas après tout ce qu’il avait fait pour lui. Remarque au fond… pas grand-chose. Mais même ! Impossible que son père l’ai lâchement abandonné et n’ai pris régulièrement de ses nouvelles que dans l’unique but de soulager sa conscience. Il refusait de croire une chose pareille… .

Il entendit alors du mouvement à l’intérieur, sa sœur se levait et se dirigeait plus loin, y restait quelques instant puis s’approchait de la porte. Charles se leva précipitamment, convaincue qu’elle allait lui ouvrir, plus ou moins brusquement d’ailleurs. Mais au lieu de ça il entendit qu’elle s’adossait contre la porte. Il sourit doucement, imaginant l’état dans lequel pouvait être sa sœur, puis il s’adossa à son tour contre la porte, de l’autre coté. Il avait décidé de l’écouter, cela devait être plus facile ainsi pour elle. Il attendrait jusqu'à ce qu’il soit sur qu’elle ai fini, sans intervenir, elle devait avoir beaucoup de chose à lui raconter. Le jeune homme ne signalerait même pas sa présence, de toute façon, si sa sœur était assise là, c’est qu’elle savait qu’il l’écoutait.

D’abord il entendit que leur père était quelqu’un de bien. Qu’il avait été là pour Luna, à chaque moment. Cela le rassura. Finalement, sa sœur n’avait parlé que sur le coup de la colère, elle ne pensait pas vraiment ce qu’elle avait dit à propos de lui. Ensuite il apprit qu’il aimait le métal. Ca devait être de famille, le jeune homme adorait également ce style de musique et tous ses déclinés. Il entendit ensuite le nom de Nightwish et l’évocation d’un concert auquel ils n’allèrent jamais … . Charles se jura de l’emmener les voir un jour. Puis il apprit un peu comment leur père était, qu’il était plus un frère qu’un père, après avoir eu des enfants si jeunes. Il lui en voulut légèrement cependant d’avoir incité Luna à fumer, mais cela passa vite.

Puis le timbre de voix de sa sœur changea légèrement alors qu’elle évoquait le jour de sa mort… . La tristesse de sa sœur était presque palpable et le jeune homme se surprit à la partager, beaucoup plus qu’il n’aurait du normalement le faire. Un lourd silence s’installa alors, il voulait être sur que Luna aurait fini de parler avant de prendre à son tour la parole. " Je ne sais même pas pourquoi je te parle de tout cela. Désolée de t'embêter avec mes stupides histoires. ". L’embêter ? Comment pouvait-elle dire une chose pareille !? Il ne put s’empêcher de s’exclamer :

-M’embêter ?! Mais tu délires ! C’est important tout ça… .

Petit à petit sa voix se faisait plus douce :

-Tu sais, je comprends pour tout à l’heure, et là maintenant… pour être honnête… j’ai juste envie de te prendre dans mes bras… .

Charles se leva doucement et gratta à la porte deux fois, à la manière d’un chien, avant d’ajouter d’une voix tendre :

-Alors je peux entrer p’tite sœur … ?

J'avais vraiment l'impression de parler de choses plus futiles les unes que les autres. Qu'est-ce qu'il pouvait s'en foutre que notre père aime le métal ou bien qu'il m'aie incité à fumer ? Bah, normalement rien. Mais non. Il s'était exclamé que je ne l'embêtais pas, que ce n'étaient pas des choses inintéressantes et qu'elles étaient importantes. Je ne pus m'empêcher de sourire. Il était un peu comme papa. Oui, il lui ressemblait. Déjà physiquement, ils avaient pas mal de points communs. Mais aussi intérieurement. Je savais que plus j'en apprendrais sur lui, plus j'y retrouverais des traces de mon père. J'en étais sûre. Sûre et certaine. Au début, cela me ferait du mal, mais par après, ça irait beaucoup mieux et je réussirais à bien m'amuser avec lui, mon frère.

Il m'avoua que sa seule envie, en ce moment, était de me prendre dans ses bras. Ha ! Un câlin ! Voila ce qu'il me fallait, depuis tout ce temps. J'en faisais beaucoup à mon père, surtout dans les moments difficiles. Grâce à ça, je n'avais jamais passé de la dépression à l'état suicidaire. Heureusement qu'il était là. Et je devais bien l'avouer, si je n'avais pas rencontré Tuomas, je serais passée au stade de suicidaire sans demander mon reste. Peut-être même que mon frère m'aurait retrouvée morte dans mon appartement. La pauvre, me voir morte lui aurait fait un choc. Bref ! Vu que Tuomas était là, mon envie d'en savoir plus sur lui avait pris le dessus. Néanmoins, je ne le connaissais pas assez pour lui faire des câlins. Mon frère, même si il était encore un parfait inconnu, était ben... Mon frère. Cela ne clochait pas qu'on se câline.

Je l'entendis se lever et gratter à la porte, tel un petit chien. Je ne pus m'empêcher de rire aux éclats ! C'était tellement mignon !
J'ouvris la porte en grand, un sourire aux lèvres et me jetai dans ses bras. Ils étaient pareils à ceux de notre père. Je riais et pleurais en même temps. Étrange.

" Bien sûr que tu peux rentrer, grand frère. Tu es chez toi ici. Il y a assez de place pour nous deux. "

Je me tus pendant quelques secondes puis ris, tout en sentant mes larmes couler sur mes joues

" Je suis l'aînée, je te rappelle... "

Elle avait ouvert. Sa sœur avait ouvert la porte et s’était jetée dans ses bras. Charles se senti soulagé, mais pas seulement, il se sentit comme enfin libre. Pour la première fois de sa vie il avait vraiment une sœur, sa sœur à lui, sa sœur jumelle qui plus est. Elle l’avait accepté en tant que tel. Même s’il faudrait du temps ensuite pour qu’ils se connaissent vraiment, même s’ils se disputeraient parfois –mais n’est-ce pas ce qu’un frère et une sœur font tout le temps ?- il savait qu’ils étaient à présent lié, pour toujours. Il la serra longtemps contre lui, avec toute la douceur dont il était capable. Et avec elle, il était plus doux qu’il ne l’avait jamais été. Malgré tout, son étreinte se resserra un peu lorsqu’elle prononça le mot « frère ». Une vague de bonheur pur l’envahit, et il se senti incroyablement bien.

Il avait remarqué l’état de Luna cependant. Elle riait mais en même temps, des larmes coulaient le long de ses joues. Alors qu’elle se calmait quelques secondes, Charles en essuya quelques-unes du revers de son index puis la regarda avec douceur. Cette fois elle rit pour de bon, « Je suis l’ainée je te rappelle ». Charles rit à son tour et ramena doucement sa sœur contre lui :

-J’ai pas de problème avec ça p’tite sœur. Je suis bien conscient de chacune des minutes qui font de toi la plus grande c’est promis. Tant que tu me laisseras t’appeler comme ça.

Il rit à nouveau avant de tirer la langue puis ajouta :

- Par contre, on va peut-être pas rester sur le pas de la porte, des tas de gens commencent à nous regarder.

En réalité, il ne prêtait guère attention aux autres personnes qui marchaient dans la rue, mais il avait hâte de partager un peu de temps avec ça sœur retrouvée, qu’ils soient tranquilles. Avec un sourire, il lui prit la main et l’entraina lentement à l’intérieur avant de refermer la porte derrière eux. Ils avancèrent de quelques pas et Charles l’invita à s’assoir sur le canapé avant de prendre place à coté d’elle. Après un bref sourire, il reprit la parole :

-Alors p’tite sœur, à toi maintenant. Je veux tout savoir de toi ! De ta couleur préféré, au métier que tu voudrais faire plus tard, en passant par tes passion et même la marque du café que tu bois le matin si jamais c’est le cas ! Pareil pour moi, si tu as la moindre question, même si sur le coup ça te parait ridicule, n’hésite pas à la poser, surtout pas. On a de longues années à rattraper.

Il regarda Luna avec un sourire à la fois curieux et bienveillant. Il avait vraiment hâte de connaitre parfaitement cette sœur qu’il avait tant cherchée.

» Journal de Luna
» Présentation de Luna Lodwick
» .:: Nos âmes pour un accord... ::. { PV Luna }
» Rencontre avec le monde exterieur [PV Luna]